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Département de Géographie

École normale supérieure

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Un état de la “nature en ville†à Lyon


 A. L’eau à Lyon

La place de la Saône et du Rhône dans la ville

L’eau à Lyon apparaît tout d’abord sous la forme du Rhône, deuxième fleuve méditerranéen par le débit et de la Saône, son plus important affluent. Ces deux cours d’eau délimitent la presqu’île, dont une majeure partie fait partie de l’hypercentre, mais le territoire du SCOT du Grand Lyon s’étend lui de la confluence de l’Ain à celle du Gier, séparées par 60 km linéaires de cours du Rhône. L’Ozon, affluent de rive gauche, sert d’exutoire à la nappe d’eau de l’est Lyonnais. Enfin, des petits courts d’eau ruissellent depuis les collines de l’Ouest lyonnais.
Supports de voies de communication ayant mené à la fondation de la ville, le Rhône et la Saône ont pu se révéler en tant que contraintes pour l’extension urbaine, comme lorsque la zone humide de leur confluence a dû être remblayée pour étendre la ville vers le sud au début du XIXème siècle, ou que des crues dévastatrices ont noyé la rive gauche du Rhône. Ces deux grands cours d’eau imposent néanmoins une certaine marque : actuellement, les sites des trois confluences sont présentés dans le SCOT comme des lieux à valoriser particulièrement . L’objectif majeur de l’aménagement urbain consiste aujourd’hui à créer progressivement un grand parc linéaire reliant Rhône amont et Rhône aval, ce qui suppose l’éviction de grands axes autoroutiers de la rive droite du fleuve.
Mais les cours d’eau dont les bassins versants connaissent un climat tempéré sont soumis à un risque de crue, notamment dans des sites de confluence qui cumulent des débits provenant de zones variées. Avec le Rhône et la Saône, la ville de Lyon est exposée à une nature potentiellement dévastatrice. Elle a ainsi été endommagée par de grandes crues en 1840 et en 1856 : cette dernière, aux conséquences catastrophiques, a fait sauter en plusieurs endroits les digues de la rive gauche. Dès lors, la plaine de Miribel-Jonage (légèrement en amont de Lyon) a été dévolue à l’atténuation des crues (Combe, 2004) et un système de retenues en amont a permis d’atténuer la puissance des crues suivantes. Aujourd’hui persistent un certain nombre de zones inondables, par des processus de remontée de nappe qu’il faut également mettre en relation avec la croissance des enjeux .

Le “grand Parc” et l’approvisionnement en eau de l’agglomération

En amont de Lyon, en majorité sur le territoire des communes de Vaulx-en-Velin et Miribel s’étend l’île de Miribel-Jonage, entre les canaux de Miribel et de Jonage. La partie non construite de cet espace s’étend sur 2 200 ha, ce qui en ferait le second parc urbain d’Europe : on peut toutefois remarquer que la présence d’infrastructures de transport automobile (A 42, A 46 et Rocade est) et électrique (ligne à haute tension) restreignent cette fonction au parc de loisir installé autour d’une étendue d’eau au centre de l’île. Car si cette portion du lit fluvial a été conservée non urbanisée, c’est en partie pour préserver Lyon des crues : elle est assez basse et parcourue de quelques chenaux permettant son inondation et ainsi l’atténuation des inondations. Aujourd’hui, elle est présentée par le Grand Lyon comme un espace fer de lance de ses politiques agricole et alimentaire (20% de la SAU de l’île est conduite en agriculture biologique), de protection de la biodiversité et d’approvisionnement en eau.
En effet, 95% de l’eau potable de Lyon provient de 114 puits et forages concentrés dans l’aire de Crépieux-Charmy (cf. carte n°1). Ce mode d’approvisionnement a été préféré au traitement des eaux de surface depuis 1853, quand la Compagnie générale des eaux a commencé à utiliser l’eau des nappes d’alluvions du Rhône, en réponse à un appel d’offre de la mairie. En cas de difficultés d’approvisionnement par le captage de Crépieux-Charmy, d’autres aires existent, notamment au-dessus de la nappe de l’Est lyonnais .

Carte n°1 : L’aire de captage de Crépieux-Charmy. Ces 114 puits et forages approvisionnent en eau 95% des habitants du Grand Lyon. Source : Géoportail

B. Lyon, ville végétale ?

Ville intimement liée aux cours d’eau qui la traversent et définissent en partie son identité, Lyon se présente également comme une ville « guidée par le désir de rendre sa place au végétal » (site Internet de la Direction des espaces verts). Ceci se traduit par la mise en valeur d’espaces de nature dits « verts » et définis par la présence du végétal (arbres, pelouses, mais aussi cultures agricoles) dans l’ensemble du territoire de l’agglomération.

Les “espaces de nature” à Lyon

La municipalité lyonnaise et la communauté urbaine s’accordent à mettre en avant la richesse et la diversité de leurs espaces verts. Selon le site internet du Grand Lyon, 45 % du territoire de la communauté urbaine ne sont pas urbanisés (soit environ 234 km² sur 520) ; les 55% restants abritent également de nombreux espaces verts, la seule ville de Lyon comptant ainsi 400 hectares de parcs, squares et jardins. Le territoire du Grand Lyon semble donc faire la part belle à des « espaces de natures » valorisés dans la communication institutionnelle, et qui se déclinent en plusieurs catégories.

Le plus emblématique de ces espaces est sans conteste le Parc de la Tête d’Or, qui couvre 105 hectares et abrite notamment un parc zoologique et un jardin botanique. Ceux de Gerland, des Hauteurs et des Berges comptent également parmi les plus importants d’un réseau de 1200 “points végétalisés”. Formant un ensemble de cheminements piétons de 2,3km dans les 5ème et 9ème arrondissements, les sept Liaisons Vertes s’y intègrent avec la caractéristique originale de proposer une continuité “naturelle” moins ponctuelle. Les berges du Rhône, aménagées depuis 2007, et les rives de Saône, dont le réaménagement est en cours, complètent ce dispositif. Ces espaces de nature urbaine se concentrent dans la ville de Lyon, où ils contrastent avec le caractère bâti de leur environnement immédiat et sont dévolus à des activités essentiellement récréatives pour les citadins ; or pour une prise en considération de la situation à l’échelle de l’ensemble de la communauté urbaine, il est également important d’évoquer le cas des espaces agricoles, dont la pérennité est menacée par une dynamique d’artificialisation croissante liée notamment à l’étalement urbain.

Dynamique des espaces ouverts et politiques de lutte contre l’artificialisation

20% du territoire du Grand Lyon, soit plus de 10 000 ha, sont occupés par des espaces agricoles. Ceux-ci subissent cependant un recul essentiellement dû à l’artificialisation des terres dont s’accompagne l’étalement périurbain : 1 500 hectares de terres agricoles ont ainsi disparu entre 1999 et 2012. Ce recul s’accompagne en outre d’une concentration des exploitations qui se traduit par une diminution des petites structures et une augmentation de leur taille moyenne.

Cette dynamique pose des questions en termes d’enjeux d’aménagement à l’échelle de l’agglomération : dans un contexte où le « développement durable » est le maître mot des politiques d’aménagement, la défense de l’agriculture périurbaine s’inscrit dans une action plus vaste de préservation d’un patrimoine « naturel » reposant sur ces espaces de nature urbains et périurbains qui forment « l’armature verte » vantée par la métropole lyonnaise. En ce sens, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de l’agglomération, qui s’applique non seulement au périmètre du Grand Lyon mais aussi aux communautés de communes de l’Est lyonnais et du Pays d’Ozon ainsi qu’à quatre autres communes, se fixe pour objectif une limitation de l’étalement urbain et un soutien à l’activité agricole en protégeant notamment le foncier agricole. Ces grandes orientations trouvent une application concrète par le biais du PSADER-PENAP, association du Projet Stratégique Agricole et de Développement Rural soutenu par la région (2009) et de la Politique de Protection des Espaces Naturels et Agricoles Périurbains du département du Rhône (2005) . Ce dispositif permet d’une part de définir un périmètre d’action en faveur de l’exploitation agricole et de la valorisation des paysages, d’autre part de bénéficier du soutien du Conseil Régional pour mettre en œuvre des projets visant au développement agricole et rural sur le périmètre du SCOT.

Dans le cadre du Grand Lyon, la volonté de protéger et de valoriser des espaces de nature sur l’ensemble du territoire de la communauté urbaine s’affiche donc comme un corollaire indispensable au développement de la métropole.

C. Abeilles, castors et moutons : la place (marginale) de l’animal en ville

La ville sans animaux ?

En ville, l’animal est en général jugé comme indésirable (comme le sont les rats et la plupart des insectes) ; il n’est pas pris en compte dans les politiques d’aménagement et traité comme extérieur au monde urbain. La ville comme monde de l’artificiel n’est en effet pas le milieu de vie a priori privilégié par les espèces animales sauvages, et la faune urbaine reste souvent invisible. Nous choisissons ici de ne pas traiter des animaux domestiques, qui font par définition partie intégrante de la vie urbaine. Leur intégration à cette vie urbaine peut néanmoins parfois poser problème, et demande une adaptation des comportements et des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics (par exemple pour limiter la gêne occasionnée par les déjections canines).

Réintégrer l’animal dans la vie urbaine

La ville se pose donc à la fois la question de la mise à distance des indésirables, et de l’adaptation à et pour les espèces tolérées voire désirées. Paul Arnould (2011) invite ainsi à distinguer les espèces animales selon leurs stratégies d’évitement, d’adaptation ou d’exploitation du milieu urbain.
Certaines espèces tolèrent l’artificialisation des sols, et vivent directement des ressources humaines, comme les pigeons, les souris et les rats ; ce sont des « urban exploiters », souvent marginalisés.
D’autres s’adaptent à la ville (« urban adapters ») comme certaines espèces d’oiseaux (le rouge-gorge, la pie…). Cette adaptation peut être plus ou moins facilitée par l’adaptation des comportements individuels et collectifs. Le centre de soin pour oiseaux sauvages du lyonnais (CSOL) a ainsi été mis à contribution par le Grand Lyon pour sensibiliser les populations à la nécessité et l’intérêt de ménager des espaces (cabane, mare…) pour que les oiseaux puissent se nourrir et nicher en ville.
Enfin, certaines espèces comme les grands mammifères, évitent la ville (« urban avoiders »), notamment du fait de la concentration des activités humaines et de la fragmentation de leurs habitats potentiels. C’est notamment pour contrer ce deuxième point que la Communauté urbaine de Lyon a défini en 1990 la Trame verte de l’agglomération, constituée d’espaces peu ou pas bâtis, naturels ou agricoles, formant un réseau continu d’espaces végétalisés. Ces corridors doivent permettre aux animaux, notamment aux grands mammifères, de circuler autour et dans le territoire du Grand Lyon.

Mise en scène et valorisation de l’animal en ville

A Lyon se met en place une véritable mise en scène de l’animalité, d’abord comme curiosité, projection d’une part de nature au cœur de la ville (comme au Parc de la Tête d’Or, avec son zoo). Mais, ce que marque d’ailleurs l’évolution de ce zoo (des cages aux enclos voire à leur suppression, voire supra), se dessine depuis une dizaine d’années une prise de conscience de la nécessité de protéger et d’aménager des espaces de développement pour la faune (avec par exemple les politiques d’encouragement des naissances à la Tête d’Or), en lien avec l’écriture du mythe de la ville en harmonie avec la nature.
Ce point est notamment illustré par la politique du programme européen Life+ biodiversité Urbanbees, mise en œuvre par le Grand Lyon à travers la construction d’hôtels à abeilles sauvages (comme à Villeurbanne). On reconnaît donc peu à peu une valeur d’existence de ces espèces (appuyée pour les abeilles par leur rôle majeur dans la pollinisation). Leur présence participe à la constitution d’une image de marque pour la ville, en faisant un espace respectueux de son environnement direct et de ses usagers. Le projet Urbanbees renverse d’ailleurs la relation ville / campagne sur la question du respect des espèces naturelles, puisque les abeilles sauvages viennent se réfugier dans les milieux urbains et périurbains suite à l’intoxication des milieux agricoles par les pesticides. La ville, avec ses températures plus élevées, deviendrait donc paradoxalement un milieu propice au développement de certaines espèces.
La présence de ces urban avoiders en ville permet d’affirmer une bonne gestion de ce capital naturel par la ville, et donc de revendiquer un statut de ville verte ou durable. Le Grand Lyon met par ailleurs particulièrement en avant la présence du castor d’Europe sur les berges du Rhône, y compris dans le Parc de Gerland (grâce au maintien de berges végétalisées et à la construction de corridors de contournement des ouvrages d’art). Ces dispositifs sont enfin de mieux en mieux acceptés : au delà de cette valeur d’existence des espèces, ils leur réinventent souvent une utilité, s’inscrivant dans des objectifs plus larges, comme le développement des circuits courts et l’écologie : ainsi les Urbanbees produisent un miel urbain, alors que les moutons de Soay de l’ENS de Lyon font office de “tondeuses à pattes” (20 minutes, 1er juin 2010) et sont loués dans toute l’agglomération par l’association Naturama

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