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Département de Géographie

École normale supérieure

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Les conséquences environnementales de l’extension du port


Destructions des zones humides et de leurs écosystèmes

L’estuaire de la Seine présente un environnement d’un intérêt biologique et écologique majeur, qui fait interface entre les milieux terrestres et maritimes en vertu d’une pénétration de la mer au gré des marées. Alors que l’amplitude de ces dernières est considérable, la partie la plus basse du marais, souvent inondée, comporte des vasières. C’est précisément dans ces eaux saumâtres, où s’échelonnent tous les gradients de salinité, que beaucoup d’espèces cohabitent. S’il fallait n’en citer qu’une, nul doute que ce serait le butor étoilé, qui vit dans les roselières humides et utilise les mares et les fossés pour s’alimenter. Cette espèce étant protégée, la protection des roselières et des plans d’eau semble devoir aller de soi.

Photographie ci-contre : Roselière dans l’estuaire. Cliché Marion Messador, 2014

De façon contradictoire à cet idéal de protection des milieux naturels, la forte extension du port du Havre depuis 1945 conduit pourtant les infrastructures industrielles à se développer et à s’étendre sur le fleuve, la mer, l’estran (zone de balancement de la marée) ou encore sur les espaces terrestres, notamment en rive droite du fleuve. Le port empiète sur les milieux naturels au détriment de la flore et de la faune qui y sont associées. Ces évolutions touchent tout particulièrement les espaces marécageux. Les diverses digues et les aménagements qui visent à maîtriser les courants et la sédimentations ont en effet un impact majeur sur l’hydro-sédimentation du milieu. L’extension du port conduit notamment au remblayage de surfaces importantes et entraîne une réduction de la largeur de l’estuaire. Alors que l’eau du fleuve charrie des sédiments qui viennent alimenter le marais, le remblayage conduit ainsi à une réduction de la force des courants qui ne pénètrent plus avec la même vigueur dans l’estuaire. Le chemin des sédiments et la formation du bouchon vaseux s’en trouvent modifiés, ce qui conduit à un appauvrissement inéluctable de l’écosystème du marais.

L’extension portuaire menace donc incontestablement la biodiversité propre au marais. Ce mouvement semble être appelé à s’accentuer : le développement du transport maritime, l’abaissement de son coût, la globalisation de l’économie, la conteneurisation, ont été et sont, de fait, autant de facteurs qui semblent augurer un développement important du port du Havre. Ce dernier, pour rester compétitif, doit en effet s’adapter à la nouvelle - consommatrice d’espaces - qui caractérise désormais le transport maritime mondial.

Risques et pollutions liées aux activités du ports et aux transports

Le port entraîne donc une modification des écosystèmes en terme d’espace (réduction des espaces « naturels ») et de diversité (raréfaction voire disparition de certaines espèces typiques du marais de l’estuaire de la Seine). Ces modifications ne s’expliquent toutefois pas uniquement par l’emprise spatiale du port.

Le port, menace potentielle pour les hommes, est un espace à haut « risque », en raison de la présence de nombreuses activités industrielles potentiellement dangereuses. Cette dangerosité est évaluée à différents niveaux. À l’échelle la plus locale, l’Office des risques majeurs de la Seine identifie différents aléas liés aux activités portuaires : l’explosion, l’incendie ou encore l’émission d’un nuage toxique. À l’échelle nationale, plusieurs sites du port du Havre sont aussi classés au titre de la directive SEVESO (conséquence de la directive européenne qui impose aux États membres d’identifier les sites industriels à risque mise en place en 1982). Pour prévenir ce « risque », des plans particuliers d’intervention (PPI) doivent permettre de réagir en cas de catastrophe.

Par-delà cette dangerosité pour les individus, qui est évaluée en termes de « risque », le port est aussi responsable d’une pollution chronique qui touche l’air mais aussi l’eau. Le territoire étant occupé par une importante zone industrielle qui comprend des usines de sidérurgies ou encore des raffineries, les activités industrielles provoquent en effet une pollution atmosphérique quotidienne. Ces pollutions sont parfois ressenties par la population : nous avons pu constater au cours du voyage d’études que l’odeur de la torréfaction du café (qui est loin d’être la pire) atteint parfois le centre-ville. En ce qui concerne l’eau, les activités industrielles entraînent notamment la prolifération d’algues ou le déclin de la biodiversité des milieux aquatiques. Plus généralement, dans la mesure où le port du Havre se place au sein d’un ensemble de flux complexes qui lui permettent d’être connecté à son hinterland par différentes voies de transports (fluviales, ferroviaires, mais aussi routières), les circulations liées au transport de marchandises depuis le port du Havre génèrent de la pollution et des nuisances (bruit par exemple ou pollutions liées aux hydrocarbures) qui sont problématiques pour la faune et la flore autour du Havre.

Le défi environnemental majeur pour le port est donc de réussir à continuer à se développer tout en limitant son impact sur l’environnement. Il s’agit « d’assurer une gestion cohérente de son territoire dans le respect du patrimoine nature, d’oeuvrer pour réduire l’impact environnemental des activités portuaires et industrielles, et de concevoir des aménagements dans un esprit de développement durable », selon les termes employés par le du port du Havre sur son site internet.

Une évolution paysagère qui ne relève pas que de l’influence portuaire

Les aménagements au sein de l’estuaire de la Seine sont anciens et ne commencent pas avec l’aménagement contemporain du port. L’estuaire a été canalisé et endigué par les hommes depuis plusieurs siècle. Le Marais Vernier comporte ainsi un ensemble de canaux hiérarchisés entre canaux principaux et canaux secondaires, qui comporte des digues (dont la digue des Hollandais, érigée au XVIIe siècle), afin d’éviter les inondations. Ainsi, cet espace qui tend à être considéré comme « naturel » par opposition aux infrastructures portuaires est en réalité profondément anthropisé, dans la mesure où l’existence même du marais s’explique par l’action humaine. De la même manière, dès le milieu du XIXe siècle, l’estuaire est canalisé par des digues submersibles, dispositif complété ensuite par des digues. Le résultat est considérable : la surface de l’estran est fortement réduite. Le « corsetage de la Seine », selon l’expression employée par Fernand Verger lors du voyage d’études, entraîne une réduction de la « zone intertidale » (expression synonyme d’ « estran »). La vasière, qui n’était pas présente en 1866, prend de l’ampleur à partir des année 1970.

Il ressort ainsi que les évolutions de l’espace estuarien ne relèvent pas du seul fait portuaire, même s’il demeure incontestable que les impacts de ce dernier sur l’environne-ment restent considérable, notamment sur un plan strictement visuel. Le contraste entre les paysages marécageux et les paysages industriels et portuaires est en effet saisissant. Le gigantisme du port, les fumées qui s’en dégagent, l’important trafic routier, créent en effet un paysage tout à fait singulier.

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